Une douleur repose sur le ressenti d’une personne et n’est pas systématiquement le résultat d’une lésion. C’est pourquoi elle peut être difficile ù qualifier. En Suisse, la jurisprudence du Tribunal fédéral a profondément évolué à partir de 2015 à propos des patients douloureux chroniques, c’est à dire qui présentent un trouble somatoforme douloureux, TSD, ou apparenté (La personne exprime des plaintes d’allure somatique mais on ne trouve pas d’atteinte organique sous-jacente). Ces changements portent sur l’analyse de l’invalidité généré par ces troubles et donc le droit à une rente pour compenser une éventuelle perte de gain. Jusqu’en 2015, un TSD était le plus souvent considéré comme non invalidant. En expertise il y a souvent un écart entre les plaintes de l’assuré et les constatations objectives, l’expert doit savoir identifier un syndrome douloureux somatoforme (trouble psychosomatique), une majoration ou simulation de symptôme, etc . Ce n’est pas toujours facile de faire la différence entre ce qui est conscient et ce qui ne l’est pas…
Une maladie psychosomatique se caractérise par des symptômes physiques qui affectent un organe ou un système physiologique, ses causes sont surtout émotionnelles. La maladie se fait l’écho d’un état d’angoisse. Un décès, une séparation, la perte de l’emploi, tout choc psychologique peut effondrer les défenses naturelles de l’organisme.
Les maladies psychosomatiques figurent dans la CIM 10,
Troubles psychiatriques, au chapitre V Troubles mentaux et du comportement : troubles dissociatifs, somatisation trouble hypocondriaque, dysfonctionnement neurovégétatif somatoforme, syndrome douloureux somatoforme persistant
Troubles non psychiatriques : affections de la peau, hypertension, asthme, céphalées, etc
Syndrome douloureux somatoforme persistante est ainsi caractérisée dans la CIM-10
F 45.4, syndrome douloureux somatoforme persistant :
La plainte essentielle concerne une douleur persistante, intense, s’accompagnant d’un sentiment de détresse, non expliquée entièrement par un processus physiologique ou un trouble physique et survenant dans un contexte de conflits émotionnels et de problèmes psycho-sociaux suffisamment importants pour constituer la cause essentielle du trouble selon le clinicien. Le trouble assure habituellement au patient une aide et une sollicitude accrues de la part de son entourage et des médecins.
Le sentiment de détresse est difficile à apprécier, s’agit-il de détresse subjective ou de signes objectifs de détresse ? De même il n’est pas donnée de définitions de problèmes psychosociaux.
La CIM-11 n’a pas encore été traduite en français : à priori la traduction sera Troubles de détresse corporelle. 6C20 :
Bodily distress disorder is characterised by the presence of bodily symptoms that are distressing to the individual and excessive attention directed toward the symptoms, which may be manifest by repeated contact with health care providers. If another health condition is causing or contributing to the symptoms, the degree of attention is clearly excessive in relation to its nature and progression. Excessive attention is not alleviated by appropriate clinical examination and investigations and appropriate reassurance. Bodily symptoms are persistent, being present on most days for at least several months. Typically, bodily distress disorder involves multiple bodily symptoms that may vary over time. Occasionally there is a single symptom—usually pain or fatigue—that is associated with the other features of the disorder. The symptoms and associated distress and preoccupation have at least some impact on the individual’s functioning (e.g. strain in relationships, less effective academic or occupational functioning, abandonment of specific leisure activities).
Le point central dans cette classification CIM-11 est l’attention excessive orientée vers le symptôme, qui se manifeste par la consultation de divers spécialistes de la santé. Mais comment dire que l’attention aux symptômes est excessive ? en expertise il faudra recourir aux expertises multi disciplinaires, somaticiens et psychiatres.
Les symptômes peuvent être variables mais on peut aussi observer un symptôme principal, qui va se répercuter sur les relations avec les autres, va conduire à abandonner les loisirs, etc
Cette nouvelle classification présente néanmoins des points positifs : en effet elle simplifie les diagnostics psychosomatiques et le focus des douleurs et de leur origine est déplacé vers leurs conséquences. D’autre part, l’attention excessive portée aux symptômes est bien connue des psychiatres, donc la psychothérapie s’avère possible.
Il est prématuré de dire si ce nouveau diagnostic de la CIM-11 va aider les experts pour la reconnaissance des incapacités de travail en lien avec un trouble somatoforme, désormais trouble de détresse corporelle.
Dans une maladie psychosomatique, il y a un processus inconscient, le symptôme n’est pas créé par la volonté et son but est également inconscient.
Critères de Foerster Le SPECDO était accompagné :
Cette méthode des critères de Foerster a été critiquée puis abandonnée car elle mettait l’accent sur les facteurs défavorables mais ne permettait pas assez de prendre en considération les ressources de l’assuré;
Depuis 2015, une grille d’évaluation normative structurée à l’aide d’indicateurs a été mise en place : le médecin expert utilise cette grille qui s’articule sur 2 axes afin de déterminer si la pathologie est invalidante :
A propos des atteintes à la santé, il y a des motifs d’exclusion pris en compte par les juges. On ne retient pas d’atteinte à la santé, par exemple, si la perte de rendement se base sur une exagération des plaintes. Certains éléments permettent de s’orienter : s’il existe une divergence considérable entre les douleurs décrites et le comportement ou l’anamnèse, l’absence de recours à des traitements alors que les douleurs sont qualifiées d’intense, la personne met en avant de très nombreuses limitations qui affectent son quotidien mais son environnement psychosocial est conservé, etc
A propos de la cohérence des troubles, on doit observer des limitations comparables dans tous les domaines : activité professionnelle, loisirs, etc. Le critère du retrait social permet de déterminer si des ressources sont encore présentes. Le retrait provoqué par une maladie diminue les ressources.
Lire notre article à propos de l’expertise médicale.
Depuis 2015, un trouble somatoforme douloureux est à priori une atteinte à la santé comme les autres.
Cette majoration de symptômes correspond au code F 68.0 de la CIM 10 : Symptômes physiques compatibles avec ( initialement dus à) un trouble, une maladie ou un handicap physique, mais amplifiés ou entretenus par l’état psychique du patient. La personne recherche l’attention d’autrui ( attitude histrionique) comprenant également parfois des plaintes surajoutées ( sans substrat organique le plus souvent). L’insatisfaction en lien avec le résultat du traitement ou es investigations peut aussi représenter un facteur déclenchant. A la suite de certains accidents il existe une motivation claire : recherche d’une compensation financière. ( Le syndrome ne disparaît pas toujours rapidement même si la revendication est satisfaite). Par le passé, on parlait de névrose de revendication, névrose de rente ou sinistrose.
Dans le cas d’une majoration de symptômes pour des raisons psychologiques, il y a association de :
L’amplification des symptômes a été décrite par Matheson, elle ne comporte pas de code diagnostic, c’est un processus, ce n’est pas une maladie. La personne a une incapacité à faire face à un symptôme, elle tend à s’enfermer dans ce symptôme initial, qui lui donne ainsi un certain contrôle, influence ses proches.
Qu’est ce qui évoque une amplification des symptômes ?
Les paramètres suivants peuvent favoriser le processus d’amplification des symptômes : personnalité fruste, faible scolarisation, manque de formation, faibles connaissances linguistiques, précarité économique, problèmes familiaux, conséquences négatives de l’émigration, etc
On parle d’exagération de symptômes quand il y a un écart considérable entre les douleurs décrites et le comportement ou l’anamnèse.
Les plaintes sont démonstratives mais peu crédibles. L’assuré a du mal à caractériser ses douleurs intenses. Il pointe des limitations importantes dans son quotidien mais son entourage psychosocial est intact. Il ne suit pas de traitement médical.
Cet état est interprété comme un trouble des conduite qui vise à acquérir un statut de malade ou à présenter un comportement de malade. Les assurés qui adoptent ce mode de comportement présentent habituellement les signes de nombreuses autres anomalies de la personnalité et des relations avec les autres.
La simulation se distingue de la majoration de symptômes, amplification, exagération et troubles factices. En effet, la simulation correspond à la production intentionnelle et délibérée de symptômes ou d’incapacité physiques ou psychologiques.
L’objectif c’est d’obtenir un avantage ou une exemption. La simulation n’est pas un diagnostic médical, mieux vaudrait parler de discordance. Lorsqu’un assuré dit présenter une impotence fonctionnelle d’un membre, en raison d’une douleur, mais que la musculature au niveau de ce membre est conservé; c’est discordant…
En conclusion, malgré la nouvelle jurisprudence du Tribunal Fédéral à propos des troubles somatoformes douloureux, un trouble somatoforme douloureux est à priori une atteinte à la santé comme les autres, l’octroi de rentes demeure tout de même assez rare dans ces situations. Le Tribunal vérifie que le diagnostic de TSD est correctement posé, diagnostic posé Lege artis ( il ne réalise pas cette vérification pour les autres diagnostics). Pour mémoire, la Cour au Tribunal Fédéral se comporte de 3 ou 5 juges, les arrêts se prennent donc à 1 contre 2…Lorsqu’une expertise conclut à une incapacité de travail en lien avec un Trouble somatoforme douloureux, TSD, le juge peut corriger l’appréciation du médecin en se fondant sur les éléments qu’il a à sa disposition. Et bien sûr si les éléments à disposition sont insuffisants, il y a un renvoi en instruction.
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