Les rhumatologues nous disent qu’il est grand temps de tordre le cou aux cervicalgies. En effet de nombreuses idées fausses ou préconçues entretiennent une évolution défavorable des douleurs de la nuque. L’imagerie objective le plus souvent des lésions physiologiques, accusées à tort d’être responsables des douleurs et conduisent souvent à une prise en charge non adaptée. L’immobilisation en cas de douleur est déconseillée, c’est ainsi que le port d’un collier cervical en mousse devrait être très limité dans la durée ( 24 à 48H) sinon on aggrave le problème au lieu de l’améliorer, car limiter les mouvements renforce la peur de bouger entretient la douleur.
Les informations qui figurent dans cet article ont été relevées lors d’une conférence à l’intention de tous donnée à Genève par la Ligue suisse contre le rhumatisme.
8 personnes sur 10 souffrent de douleurs rachidiennes, à un moment ou un autre de leur vie, le plus souvent la douleur est localisée au niveau lombaire, mais de très nombreuses personnes souffrent régulièrement de cervicalgies. L’évolution est souvent favorable, mais les cervicalgies récidivent ou persistent dans la moitié des cas. De nombreuses idées fausses ou préconçues entretiennent une évolution défavorable.
L’anatomie de la nuque est complexe, elle dépend de différents paramètres qui déterminent son fonctionnement ou son dysfonctionnement. La nuque doit notamment supporter le poids de la tête mais également le gérer dans l’espace. Le système cervical est sous la dépendance du système vestibulaire et du système oculaire.
Nous avons une idée très ancienne que la douleur est un signal d’alarme, qu’elle résulte d’une lésion. Or ce n’est pas nécessairement le cas pour les cervicalgies, c’est même rarement le cas. En effet, les cervicalgies évoquent un bug sur un ordinateur : en général quand l’ordinateur bug, ce n’est pas qu’une pièce est abîmée, et pourtant il ne fonctionne plus, c’est un problème de programmation, de software, mais pas un problème de hardware, la pièce sous-jacente n’est donc pas en cause. La cervicalgie commune est la cervicalgie habituelle : la douleur résulte d’un problème de programmation et non de lésion. Dans de rares cas de cervicalgies spécifiques une lésion sous-jacente est en cause.
Des symptômes cliniques peuvent être associés :
La cervicalgie commune correspond à un bug sur un ordinateur, c’est à dire un mauvais fonctionnement des structures musculaires et articulaires de la nuque.
Le travail d’un muscle consiste à se contracter puis à se décontracter : c’est un mécanisme de haute précision pour travailler sans douleur. Pour qu’il y ait une douleur, il faut que les récepteurs à la douleur soient activés.
On ne met jamais en évidence une cervicalgie commune sur un scanner ou une IRM (de même qu’une photographie ne permet pas de visualiser un bug de l’ordinateur). Mais on peut observer la cervicalgie à l’examen clinique, en palpant, regardant, regardant les amplitudes et en laboratoire d’étude on peut visualiser cette dysfonction des muscles et articulations de la nuque. En cas de douleur on constate une haute désorganisation neuro musculaire, qu’il est possible de réorganiser grâce à la réadaptation.
En présence d’une cervicalgie, l’imagerie n’est pas indispensable : en effet le compte rendu du radiologue met toujours en avant une anomalie, mais le plus souvent l’anomalie est physiologique ( l’arthrose par exemple) , il ne se résume jamais à « IRM normale » alors que de nombreuses images correspondent àdes atteintes physiologiques ( normales pour l’âge).
Selon certaines études, telle que VOMIT Study (victims of modern imaging technnology, les victimes des techniques d’imagerie moderne), Hayward BMJ, 2003 :
Plus de 50% des rapports de radiologie utilisent des termes de pathologie pour décrire des phénomènes liés au vieillissement et qui sont donc physiologiques. Seuls 2% des compte-rendu précisent qu’il s’agit de phénomènes normaux pour l’âge…
A propos de la hernie discale : 20 à 30 % de la population présente une hernie discale mais ne ressent pas de douleurs. Une hernie discale progresse très lentement et disparaît peu à peu, cicatrise sans faire parler d’elle. Parfois cette hernie discale au niveau cervicale provoque une inflammation, irrite les nerfs, et crée une névralgie cervico brachiale.
Par opposition aux cervicalgies communes, on distingue les cervicalgies spécifiques, qui sont provoquées par une lésion précise :
Il existe une idée fausse à propos des courbures de la colonne rachidienne : on observe habituellement une lordose (au niveau cervical), une cyphose (au niveau dorsal) et de nouveau une lordose ( au niveau lombaire).
Lorsque l’on ne connaît pas l’état de la courbure antérieure, on ne peut pas attribuer les symptômes à la courbure et prétendre qu’elle a subi une modification récente, responsable de douleurs… Les images radiologiques ne sont pas de bons indicateurs pour expliquer ce qui se passe vraiment
Une étude a été conduite chez 1211 personnes sans douleurs cervicales, une discopathie protrusive ou discarthrose a été observée dans 60% des cas à l’âge de 20 ans, pour atteindre 95% des cas à 70 ans ; Il est tout à fait normal de présenter une discopathie au fil des années. Même 10 ans plus tard, il n’existe pas de lien entre l’apparition de la douleur et les images de lésion sur l’IRM. L’IRM n’est pas un examen pertinent pour la plupart des cervicalgies.
Le « coup du lapin » résulte d’un accident à faible vitesse, c’est à dire que la carrosserie n’a pas de dommage. Il résulte d’un phénomène d’hyperextension puis d’hyperflexion et peut donc entraîner des lésions de la nuque mais l’appui tête empêche désormais ce mouvement d’hyperextension suivi d’hyperflexion.
Lors de l’analyse biomécanique des chocs subis lors d’un accident de voiture avec choc par l’arrière: on constate qu’un choc par l’arrière n’entraîne pas un mouvement de la tête vers l’avant puis vers l’arrière, mais uniquement un mouvement vers l’arrière. Or toutes les voitures sont équipées d’appui-tête. Pour mémoire le biomécanicien détermine dans quelle phase de l’accident la lésion s’est formée.
Lors d’une douleur de nuque après un coup du lapin, on n’observe pas davantage de lésions que chez ceux qui n’ont pas eu d’accidents ( notamment recherche de lésions du ligament alaire : Les ligaments alaires sont des ligaments occipito-odontoïdiens latéraux qui viennent du bord interne des condyles occipitaux pour se terminer sur la dent de l’axis ou 2e vertèbre cervicale qui ont été suspectés dans les traumatismes « coup du lapin ». Donc dans ces cas de « coup du lapin » encore appelés whiplash, on se retrouve dans la situation de cervicalgie commune.
Les stades du whiplash
Stade 0 : aucune plainte à propos de cervicalgie, aucun signe clinique
Stade I : Plaintes à propos de douleur ou de raideur ou de sensibilité, aucun signe clinique
Stade II : Plaintes au niveau de la nuque et troubles musculosquelettiques. Troubles musculosquelettiques incluant une amplitude articulaire diminuée et sensibilité à la palpation
Stade III : Plaintes au niveau de la nuque Troubles neurologiques incluant des réflexes ostéotendineux diminué ou absents, une faiblesse musculaire et un déficit sensitif
Stade IV : Plaintes au niveau de la nuque et fracture ou luxation
Porter une collerette mousse permet de bloquer la colonne cervicale mais le port doit être de très courte durée, 1 ou 2 jours au maximum, puisque les muscles et articulations sont déjà dans un mauvais état de fonctionnement qui va être aggravé en cas de port prolongé de cette collerette mousse. Il faut au contraire remettre en mouvement, réorganiser. Les anti douleurs dans la littérature scientifiques ont un effet mais peu marqué, y compris la morphine qui ne donne pas de bons résultats dans cette indication.
Les actes du physiothérapeute sont remboursés par les assurances s’ils sont prescrits par le médecin, sinon il sont à la charge de l’assuré.
Le physiothérapeute cherche à savoir quand la douleur est apparue, les évènements qui la déclenchent, sa localisation précise, son intensité.
Le physiothérapeute va surtout réapprendre à bien bouger : en effet, en cas de douleur, si l’on cesse de bouger, on entretient la déprogrammation, c’est la kinésiophobie.
Rôle clé du physiothérapeute pour la prise en charge de la cervicalgie commune Le physiothérapeute réalise une observation posturale du patient cervicalgique :position antalgique, défaut de souplesse, défaut musculaire, etc Il évalue l’amplitude des mouvements actifs, peut évaluer au moyen de tests de force, recherche des modifications de la consistance tissulaire, etc Il détermine l’INdice de Douleur et d’Incapacité Cervicale : INDIC Wlodyka; Demaille 2002 (chaque question est cotée de 0 à 100, plus le nombre de points est élevé, plus c’est péjoratif).
Le physiothérapeute propose comme traitement :
Il existe d’autres techniques :
Mais il est important d’éviter le passage à la chronicité, car le passage à la chronicité a de nombreuses conséquences :
Chacun de ces facteurs en tant que tel va augmenter la douleur par des phénomènes physiologiques. Lorsque ces facteurs deviennent trop présents le traitement physique ne suffit plus car il y a trop de perturbateurs …
En cas de cervicalgies chroniques, il faut envisager une prise en charge multidisciplinaire : ergothérapeute, médecin, physiothérapeute, psychiatre, psychologue, soutien professionnel.
Les cervicalgies représentent un problème mondial dans les pays industrialisés : travail répétitif, posture de travail sont des facteurs favorisants de troubles musculo-squelettiques et notamment de cervicalgies. Il est indispensables d’adopter des postures variées : entre 22 et 65 ans, nous passons plus de 40% de notre temps au travail. Le médecin du travail et son équipe pluridisciplinaire ( ergonome, etc) apportent leur expertise pour prévenir et aménager les postes de travail, encourager les changements de positions, qu’il s’agisse de postes de travail en atelier ou dans le secteur tertiaire. En présence de cervicalgies communes, se souvenir qu’elles correspondent à un mauvais fonctionnement des structures musculaires et articulaires de la nuque, et que la solution consiste à réapprendre à bouger.
Les informations de ce paragraphe ont été relevées lors d’un colloque interdisciplinaire de formation continue sur le Rachis à l’Hôpital de la Tour à l’intention des médecins. Une série de colloques est organisée.
Certaines cervicalgies sont en lien avec une hernie discale cervicale. En effet, on peut observer une radiculopathie mécanique, secondaire à une hernie discale cervicale. Une arthrose est souvent associée à une hernie discale cervicale, ce qui n’est pas le cas pour la hernie discale lombaire.
Cette atteinte du système nerveux correspond à :
En cas de radiculopathie (C4, C5 ou C6) ou d’une atteinte du plexus brachial, on observe que la position qui soulage est celle qui consiste à demander au patient d’amener sa main sur sa tête via un mouvement d’abduction de l’épaule et de flexion du coude ( le médecin peut également réaliser ce geste à la place du patient). C’est le signe de Bakody ( shoulder abduction test).
Signe de Lhermitte : lorsque le patient penche la tête en avant, il ressent une décharge électrique dans le dos ou les membres..=La décharge ressentie est en fait étroitement liée à la flexion de la nuque dont le mouvement déclenche un étirement brusque des faisceaux de la moelle cervicale.
En cas de hernie discale cervicale, les douleurs disparaissent naturellement à 3 mois, chez 60 à 80 % des patients. Les facteurs de chronicisation sont représentés par : une faible satisfaction au travail, surpoids, tabac.
En cas de résistance au traitement médical bien conduit, un bilan radiologique peut-être réalisé. Selon les guidelines il est tout à fait possible d’attendre 6 mois avant de réaliser un examen radiologique. Les troubles sensitifs ne sont pas un problème, Par contre en cas de déficit moteur un examen radiologique doit être réalisé rapidement. En présence d’une névralgie cervicobrachiale : réaliser d’emblée une radiographie de face, profil et ¾. Une IRM peut être réalisée d’emblée, car c’est l’examen le plus utile.
Les traitements médicaux ne modifient pas l’histoire naturelle de la pathologie, ils permettent de supporter la douleur.
Le geste chirurgical consiste à retirer la hernie : herniectomie, avec ou sans implant (le plus souvent avec cage plaque ou prothèse discale). L’accès se fait par voie antérieure :
L’accès peut également se faire par voie postérieure mais ce geste est plus compliqué : il permet de retirer une hernie discale molle tout en évitant de retirer tout le disque.
En post-opératoire : Le patient marche J0, il peut présenter des difficultés pour avaler pendant 2 ou 3 jours. Il reste hospitalisé durant une nuit en post-opératoire, en raison du risque d’hématome suffocant.
Vous pouvez lire également les articles suivants :
Site internet conseillés
Retrouver mon profil : Dr Marie-Thérèse Giorgio
Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *
Enregistrer mon nom, mon e-mail et mon site dans le navigateur pour mon prochain commentaire.
Δ
2014 ATOUSANTE par edenweb
Pour améliorer votre expérience utilisateur, notre site utilise des cookies. Les cookies nous permettent de personnaliser le contenu et les annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Nous partageons également des informations sur l'utilisation de notre site avec nos partenaires de médias sociaux, de publicité et d'analyse, qui peuvent combiner celles-ci avec d'autres informations que vous leur avez fournies ou qu'ils ont collectées lors de votre utilisation de leurs services.La consultation des informations qui sont publiées sur notre site vaut accord de votre part. Pour plus d'information nous vous invitons à consulter nos Informations concernant l’utilisation des cookies.