- Pathologie de la coiffe des rotateurs
- Lésions de la coiffe des rotateurs : dégénératives ou en lien avec un traumatisme ?
- Indication de chirurgie pour la coiffe des rotateurs
- Rééducation après chirurgie de la coiffe des rotateurs de l’épaule
- Exemple de la France : reconnaissance des pathologies de lépaule en maladie professionnelle
Les lésions de la coiffe des rotateurs sont souvent dégénératives mais elles peuvent également être causées ou aggravées par un traumatisme. Les critères de lésion transfixiante vraisemblablement accidentelle ont été révisés en 2019. En Suisse, on cherche souvent à identifier l’origine dégénérative ou accidentelle de cette pathologie puisque cela conditionne la prise en charge par l’assureur perte de gain ou accident. La réparation chirurgicale est indiquée dans certains cas. La rééducation est primordiale et doit respecter 4 phases
Pathologie de la coiffe des rotateurs
La compréhension de la génèse de la coiffe des rotateurs a beaucoup évolué au fil des dernières années.
Dans les lésions de la coiffe des rotateurs, il y a souvent une situation d’accident en présence d’un état dégénératif préexistant. Cette dégénérescence est physiologique mais également individuelle. En présence de lésions de la coiffe des rotateurs on est souvent confronté à cette question :
L’état antérieur a-t-il été déclenché ou seulement aggravé par le traumatisme incriminé ?
Le législateur a introduit la notion de lésion assimilée à un accident en janvier 2017 (abandon de la notion de traumatisme, de facteur extérieur).
La notion de déchirure de la coiffe des rotateurs est assimilée à une déchirure des tendons.
On différencie :
- Rupture partielles de tendons
- Et défauts tendineux : amincissement du tendon ou raccourcissement du moignon tendineux
Les termes fissure, rupture et déchirure évoquent un traumatisme.
Par contre, les pertes de substances (conséquences d’un processus continu) et la tendinopathie de la coiffe des rotateurs ne sont pas des lésions consécutives à un traumatisme .Des troubles dégénératifs mineurs, symptomatiques ou non sont fréquents dès l’âge de 40 ans.
Lésions de la coiffe des rotateurs : dégénératives ou en lien avec un traumatisme ?
Ces critères ont été révisés en 2019 par un groupe d’experts suisse en chirurgie de l’épaule et du coude.
Eléments en faveur d’une atteinte de la coiffe des rotateurs en lien avec un accident :
Lors d’un accident on observe une atteinte immédiate de la mobilité active en élévation, en rotation externe ou le développement d’une épaule pseudo paralytique ( perte de l’élévation antérieure active). Cette impotence fonctionnelle durant les premières semaines post-traumatiques est un critère déterminant.
Lors d’une lésion traumatique de la coiffe, on peut parfois observer des douleurs importantes qui s’atténuent après 3 jours. Ceci explique un retard de consultation et de prise en charge dans certains cas.
Mécanisme lésionnel d’une lésion traumatique :
- le plus souvent chute avec réception sur le bras en extension ( impact axial lors d’une réception sur le coude ou la main),
ou bien rotation externe contre résistance, - traction violente en se retenant ( chute d’un échafaudage ou dans des escaliers) ou en soulevant des poids lourds ( par exemple rester subitement le bras suspendu retenant tout le poids du corps) ,
- ou luxation gléno humérale.
- un choc direct sur l’épaule sans réception sur le membre supérieur peut également générer une lésion transfixiante de la coiffe des rotateurs.
Critères radiologiques pour faire la différence entre une lésion traumatique ou dégénérative de la coiffe des rotateurs
Radiologie conventionnelle, échographie, IRM ou scanner permettent d’apprécier les critères ci-dessous.
- Morphologie de l’acromion et arthrose acromio claviculaire
La morphologie de l’acromion comme facteur de risque pour le développement d’une lésion de la coiffe des rotateurs est controversé. ( morphologie, pente acromiale, débord latéral de l’acromion, angle gléno acromial) .
. - Remaniement de l’humérus proximal : sclérose sous-chondrale ou kystes sous-chondraux du trochiter ne constituent pas un signe de lésion chronique de la coiffe des rotateurs.
. - Distance acromio-humérale de moins de 7 mm sur une radiographie antéro-postérieure de l’épaule est un signe fiable de lésion chronique de la coiffe des rotateurs.Cette distance de moins de 7 mm correspond en général à une lésion de plusieurs tendons développée sur plusieurs mois et qui est associée à des changements de la trophicité musculaire.
. - Signes indéniables de lésion accidentelle : fractures et stigmates de luxation gléno-humérale ou acromio-claviculaire.
IRM et scanner (dans une moindre mesure)sont très utiles pour affirmer ou infirmer une origine accidentelle.
. - Atrophie et infiltration graisseuse de la musculature de la coiffe des rotateurs :
IRM et scanner quantifient cette infiltration graisseuse.
Cette quantification est fondamentale : une infiltration graisseuse initiale supérieure à 2 contre-indique généralement une réparation : en effet la lésion est considérée comme irréparable ou si on la répare, il y aura inéluctablement une absence de guérison tendineuse.
Le signe de l’arête de poisson est un signe de lésion chronique : le sus-épineux qui présente une infiltration graisseuse de stade 3 ( autant de graisse que de muscle) ressemble à une arête de poisson
Une infiltration graisseuse de stade 2 s’installe, dans toutes les situations, accident ou non, après l’apparition des symptômes :- Au bout de 3 ans dans les muscles sus-épineux
- Au bout de 2,5 ans dans les muscles sous-épineux
- Au bout de 2,5 ans dans les muscles sous-scapulaires
L’infiltration graisseuse de stade 3 et 4 intervient au bout de
-
- 5 ans dans les muscles sus-épineux
- 4 ans dans les muscles sous-épineux
- 3 ans dans les muscles sous-scapulaires
Les lésions isolées du sus épineux n’engendrent pas de lésion graisseuse significative avec 4 ans de recul
Par contre les lésions massives deviennent irréparables durant ce même laps de temps.
L’infiltration graisseuse s’installe plus rapidement après un début accidentel et lors de lésions massives ( atteintes d’au moins 2 tendons).
Selon Goutalier :
Une personne qui présente une infiltration graisseuse significative au moment de l’accident : stade 3 et 4, a vraisemblablement décompensé une lésion pré existante ou a développé une extension aigue d’une lésion préexistante , c’est une contre-indication à la réparation.
Rappel des différents stades d’infiltration graisseuse selon Goutalier :
-
- Stade 0 : pas de graisse
- Stade 1 : fines traces graisseuses
- Stade 2 : moins de graisse que de muscle
- Stade 3 : autant de graisse que de muscle
- Stade 4 : plus de graisse que de muscle
.
- Œdème musculaire et osseux :
un œdème du trochiter n’est plus associé aux accidents et lésions transfixiantes de la coiffe des rotateurs
Par contre un oedème musculaire doit être systématiquement recherché, il est associé à une rétraction aigue et signe un caractère accidentel.
Cet œdème musculaire survient en quelques heures ( tandis que l’oedeme neurologique survient en quelques semaines).
.
- Présence de liquide ou hématome dans la bourse sous-acromiale ou sous-deltoidienne :
Le plus souvent retrouvé lors d’une lésion aigue.
Généralement associé à une lésion du tendon et non de la jonction os-tendon.
Un signal caractéristique de sang retrouvé dans une bourse à la suite d’un accident est un signe de lésion traumatique de la coiffe des rotateurs.
. - Localisation et type de lésion
Dans le plan frontal : les lésions traumatiques surviennent préférentiellement au sein même du tendon. Une rétraction tendineuse se développe ensuite lentement.
Dans le plan sagittal : ce sont les lésions du tendon sous scapulaire qui sont l’apanage de l’accident.
Les lésions asymptomatiques touchent dans 80% des cas le tendon sus-épineux.
Selon un groupe d’experts suisses en chirurgie de l’épaule : une rétraction de stade 3 au niveau de la glène sans infiltration graisseuse peut être notée dans les semaines qui suivent un accident : cela évoque une lésion aigue avec rétraction musculotendineuse importante.
Durant l’intervention
Le type de lésion ne fournit pas d’information déterminante sur le caractère accidentel ou non.
Indication de chirurgie pour la coiffe des rotateurs
Type de rupture
La rupture de la coiffe des rotateurs peut être d’origine traumatique, dégénérative ou mixte.
Les ruptures traumatiques font suite à des chutes sur le moignon de l’épaule ou des mouvements d’abduction contrariés. Les ruptures dégénératives surviennent chez des sujets plus âgés, et sont souvent associées à un rétrécissement de l’espace sous-acromial (acromion crochu ou avec ostéophyte). Des traumatismes parfois mineurs peuvent dans ces conditions provoquer des ruptures plus ou moins complètes de la coiffe.
Les indications de la suture tendineuse dépendent de différents facteurs
Il n’existe pas de consensus absolu mais l’indication est reconnue pour les lésions symptomatiques en dépit d’un traitement conservateur bien conduit de 6 à 12 semaines.
Sans réparation, seule un quart des ruptures isolées du sus-épineux évoluent vers une progression de la taille de la lésion et de l’involution graisseuse musculaire ( qui traduit une perte irréversible de la fonction)
Réparabilité et potentiel de guérison
Il faut obtenir une coiffe totalement guérie pour un résultat fonctionnel optimal et durable.
L’âge du patient, la taille de la lésion et l’atrophie graisseuse musculaire sont les facteurs prédictifs majeurs de guérison.
Le taux de succès après chirurgie est inversement proportionnel à l’âge et au nombre de tendons lésés.
Plus la rétraction tendineuse est importante, moins bon sera le pronostic.
Avec l’augmentation de la taille de la lésion et de la durée d’évolution, on note une atrophie des corps musculaires de la coiffe aux dépens de dépôts graisseux.
Lorsque le volume de graisse dépasse ou égale le volume musculaire sur les examens CT ou IRM, les résultats fonctionnels après chirurgie sont décevants : la rupture de la coiffe est alors dite irréparable et peut se traduire radiologiquement par une subluxation proximale de la tête de l’humérus avec une distance acromio-humérale de moins de 7 mm
Rééducation après chirurgie de la coiffe des rotateurs de l’épaule
Suite à la chirurgie une rééducation en 4 phases est préconisée
Phase 1 : semaine 0 à 6 : phase d’immobilisation, cicatrisation et initiation du mouvement
Cette phase correspond à la production de facteur de croissance et de collagène.
La résistance du tendon est faible, il faut donc trouver un équilibre entre :
- le stress mécanique contrôlé qui facilite la cicatrisation et limite les adhérences
- et la surcharge qui favorise la rupture.
Il faut prévenir ces 2 complications :
- nouvelle rupture des tendons ( dans 20 à 90% des cas mais ne péjore pas toujours le résultat).
- capsulite rétractile : elle est moins fréquente, survient dans 5 à 10% des cas, mais est plus lourde de conséquence.
L’immobilisation par un gilet est portée 24 heures/24, il est bénéfique pour favoriser la cicatrisation des tendons.
Une immobilisation de moins de 4 semaines ne favoriserait pas la raideur.
Pour les petites lésions le gilet d’immobilisation peut être retiré à la maison sous réserve de ne pas écarter le bras du corps et ne rien porter.
Des méta-analyses confirment que la mobilisation précoce permet de récupérer sans risque une mobilité pour des petites lésions ( ce sont les plus fréquentes) : 1 tendon et lésion de moins de 3 cm. Par contre l’immobilisation totale est requise pendant 6 semaines pour les lésions de plus de 5 cm .
Durant cette phase la personne peut ouvrir le gilet pour mobiliser passivement son épaule et réaliser des exercices en pendulaires (légers balancements du bras sans contracter la musculature)
Objectif à la fin de cette phase :
- Élévation passive 110 à 120°
- Abduction 90°
- Rotation externe devrait être supérieure à 50° du coté controlatéral.
- A ce stade la douleur au repos doit disparaître et la douleur en mobilisation devrait être inférieur à 5/10 sur échelle visuelle analogique.
- Une douleur plus importante et une raideur font suspecter une capsulite ou une algodystrophie.
Phase 2 : semaine 7 à 12 : phase de mobilisation et réveil musculaire.
C’est la récupération sans porter de poids., c’est la phase de remodelage et de récupération du mouvement.
Le remodelage correspond à l’organisation du tissu cicatriciel.
La personne ne porte plus de gilet d’immobilisation et peut bouger son épaule afin d’amener de légères contraintes qui permettent une meilleure orientation des fibres de collagènes et augmentent la résistance de la réparation.
Durant cette phase 2, la rééducation consiste en un travail de renforcement et de stabilisation de la ceinture scapulaire et mobilisation active assistée.
Au terme de cette phase la personne a récupéré une mobilité passive et active sans forcer : elle reprend des activités légères de la vie quotidienne (porter un verre, faire la petite vaisselle, balancer les bras.)
A cette phase la contrainte tendineuse est augmentée par le travail actif, il faut respecter la douleur, donc éviter le travail contre résistance, le port de charge de plus de 500 grammes, le travail en position haute prolongée.)
A ce stade la personne doit veiller à ne pas élever le moignon de l’épaule.
Conduire une voiture avec une direction assistée est possible à la 8ème semaine, sinon attendre 12 semaines ( attention à la prise de ticket à l’entrée des parking puisqu’il faut tendre le bras).
Pour passer à la phase suivante, il faut :
- l’exécution des exercices sans douleur
- l’arrêt des médicaments antidouleur
- la capacité à lever le bras au dessus de la tête
- la récupération complète des mobilités articulaires (c’est-à-dire comme l’autre bras).
Phase 3 : semaine 13 à 18 : renforcement et retour à l’activité
La cicatrisation entre en phase de maturation.
12 semaines sont nécessaires pour atteindre 50% de la résistance physiologique.
La jonction os tendon récupère plus lentement mais sa solidité est suffisante pour commencer la rééducation avec des charges inférieures à 1.5 kg.
Les séances de rééducation permettent de renforcer la musculature et de récupérer des amplitudes articulaires.
Les activités modérément contraignantes sont possibles dès le début de cette phase 3 : bricolage, jardinage léger, vélo, jogging.
L’objectif de cette phase c’est la reprise des activités physiques et professionnelles antérieures ( dans la mesure ou l’activité professionnelle n’exige pas de port de charges de plus de 20 kgs et de mouvements répétitifs en hauteur).
La rééducation se termine quand la personne a repris ses activités dans douleur et que la mobilité est symétrique.
Un déficit de force résiduel est courant mais n’entraine pas de troubles fonctionnels marqués.
Phase 4 : semaine 19 à 24
Tous les gestes peuvent être réalisés sans restriction, reprise du sport et du travail de force.
La réparation est normalement acquise à 6 mois.
A l’issue de cette phase 3 une rééducation spécifique est nécessaire chez les sportifs et les travailleurs de force.
La rééducation musculaire et proprioceptive doit être adaptée spécifiquement aux contraintes du sport pratiqué. Chaque groupe musculaire est travaillé selon la balance musculaire requise pour
Les sports les plus courants sont tennis, natation, vélo et golf. La plupart des sportifs de loisir récupèrent le niveau d’avant la chirurgie, par contre pour les compétiteurs, seul 50% retrouvent un niveau équivalent.
Pour la reprise du travail de force : il est indispensable de dépister avant 6 mois les situations problématiques. Il faut envisager un réentraînement spécifique adaptée à l’activité professionnelle.
Exemple de la France : reconnaissance des pathologies de lépaule en maladie professionnelle
Tableau n°57 des maladies professionnelles; régime général, avis d’experts
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