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Expertise médicale : sa place dans le système de santé suisse

Les atteintes à la santé peuvent être mentale, physique, psychique. Elles peuvent résulter de maladie, infirmité congénitale ou accident. Elles doivent parfois être envisagées sous un angle juridique, c’est pourquoi l’on  recourt à une expertise médicale dans différents domaines : assurance accident, assurance privée, assurance invalidité. L’expertise médicale permet de confier à un médecin la mission de statuer sur l’incapacité de travail de la personne  atteinte dans sa santé.  Les tribunaux  se basent ensuite sur ce rapport médical du médecin expert pour apprécier l’incapacité de gain  qui est un élément économique.

 

Définition de l’expertise

Une expertise est un rapport technique destiné à fournir à un mandant des bases de décision dans un domaine qui n’est pas le sien propre.
Ce dispositif d’aide à la décision procède à l’établissement de certains faits techniques ou scientifiques et / ou à l’appréciation des circonstances par l’explication d’état de fait.
L’expertise est un moyen de preuve fourni par un tiers à la procédure.

 

Pour l’élaboration du rapport technique, l’expert va prendre en compte :

Différents types d’expertises 

Cas particulier de l’expertise privée comme le rappelle le Tribunal fédéral dans son ATF 140 III 24

En droit des assurances privées, l’expertise privée n’a pas la qualité d’un moyen de preuve, mais ne constitue qu’une simple allégation avancée par une partie.

Différents cadres pour l’expertise :

Expertise : références juridiques

Code de procédure civile

Art. 175 : témoignage-expertise
Lorsqu’un témoin possède des connaissances spéciales, le tribunal peut également l’interroger aux fins d’apprécier les faits de la cause.
Cas d’un médecin qui fait un témoignage dans le cadre d’un procès civil ( En Suisse témoignage oral, pas de rapport écrit).

Art. 183  : expertise
Le tribunal peut, à la demande d’une partie ou d’office, demander une expertise à un ou plusieurs experts.

Art. 189 : expertise-arbitrage
Les parties peuvent convenir que des faits contestés soient établis par un expert-arbitre.
Permet à un assuré et un assureur de convenir à l’avance qu’ils s’en remettront aux conclusions de l’expert.

Code des obligations

Art. 363  : contrat d’entreprise
Le contrat d’entreprise est un contrat par lequel une des parties (l’entre­preneur) s’oblige à exécuter un ouvrage, moyennant un prix que l’autre partie (le maître) s’en­gage à lui payer.

Art. 394  : contrat de mandat
Le mandat est un contrat par lequel le mandataire s’oblige, dans les termes de la convention, à gérer l’affaire dont il s’est chargé ou à ren­dre les services qu’il a pro­mis.

Place de l’expertise médicale dans les assurances sociales

Atteintes à la santé sur le plan médical

Les atteintes à la santé peuvent être mentale, physique, psychique. Elles peuvent résulter de maladie, infirmité congénitale ou accident. Elles peuvent donner lieu à indemnisation.

Maladie

Article 3 de la LPGA


« Est réputée maladie toute atteinte à la santé physique, mentale ou psychique qui n’est pas due à un accident et qui exige un examen ou un traitement médical ou provoque une incapacité de travail.1

2 Est réputée infirmité congénitale toute maladie présente à la naissance accomplie de l’enfant. »

Infirmité congénitale


« Est réputée maladie toute atteinte à la santé physique, mentale ou psychique qui n’est pas due à un accident et qui exige un examen ou un traitement médical ou provoque une incapacité de travail.1

2 Est réputée infirmité congénitale toute maladie présente à la naissance accomplie de l’enfant. »

Uns simple prédisposition à une maladie n’est pas réputée infirmité congénitale.
Le moment où une infirmité est reconnue comme tel n’est pas déterminant. La maladie doit figurer sur la liste de l’Ordonnance concernant les infirmités congénitales, OIC.
Les maladies sont classées par appareil dans cette ordonnance. La trisomie 21, par exemple, n’a été introduite qu’en 2016 dans cette liste.

Accident

Article 4 de la LPGA 

Est réputée accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort.

Incapacité de travail : appréciation médicale, mission de l’expert

Article 6 de la LPGA  : incapacité de travail

Est réputée incapacité de travail toute perte, totale ou partielle, de l’aptitude de l’assuré à accomplir dans sa profession ou son domaine d’activité le travail qui peut raisonnablement être exigé de lui, si cette perte résulte d’une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique. En cas d’incapacité de travail de longue durée, l’activité qui peut être exigée de lui peut aussi relever d’une autre profession ou d’un autre domaine d’activité.

Incapacité de gain : élément économique

Avec le rapport médical de l’expert les Tribunaux ou tout autre mandant de l’expertise ont tous les éléments pour fixer l’incapacité de gain de la personne.

Article 7 de la  LPGA 

1 Est réputée incapacité de gain toute diminution de l’ensemble ou d’une partie des possibilités de gain de l’assuré sur un marché du travail équilibré dans son domaine d’activité, si cette diminution résulte d’une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique et qu’elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles.

2 Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable.

Article 8  de la  LPGA


1 Est réputée invalidité l’incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée.
2 Les assurés mineurs sans activité lucrative sont réputés invalides s’ils présentent une atteinte à leur santé physique, mentale ou psychique qui provoquera probablement une incapacité de gain totale ou partielle.1
3 Les assurés majeurs qui n’exerçaient pas d’activité lucrative avant d’être atteints dans leur santé physique, mentale ou psychique et dont il ne peut être exigé qu’ils en exercent une sont réputés invalides si l’atteinte les empêche d’accomplir leurs travaux habituels.

L’invalidité est exprimée en pourcentage ( taux ou degré d’invalidité), est déterminée par les spécialistes de la réadaptation ou gestionnaires de dossiers.
L’invalidité conditionne l’accès à des prestations à caractère durable, son évaluation n’est pas du ressort du médecin.

Notions d’invalidité et d’incapacité de travail

Invalidité et incapacité de travail

Impotence

Article 9 de la LPGA

Est réputée impotente toute personne qui, en raison d’une atteinte à sa santé, a besoin de façon permanente de l’aide d’autrui ou d’une surveillance personnelle pour accomplir des actes élémentaires de la vie quotidienne.

Elle peut donner droit à une allocation pour impotent  article 26 LAA et article 27 LAA.

Atteintes à l’intégrité

Article 24 LAA

Si, par suite de l’accident, l’assuré souffre d’une atteinte importante et durable à son intégrité physique, mentale ou psychique, il a droit à une indemnité équitable pour atteinte à l’intégrité.1

2 L’indemnité est fixée en même temps que la rente d’invalidité ou, si l’assuré ne peut prétendre une rente, lorsque le traitement médical est terminé. Le Conseil fédéral peut fixer la naissance du droit à un autre moment dans les cas spéciaux, notamment en cas d’atteinte à la santé liée à l’inhalation de fibres d’amiante.

Le montant de l’indemnisation pour atteinte à l’intégrité est fixé par l’article 25 de la LAA.

Expertise médicale 

Tâche du médecin expert

Le tribunal fédéral décrit ainsi la tâche du médecin expert :

la tâche du médecin consiste à évaluer l’état de santé de la personne assurée et indiquer dans quelle proportion et dans quelles activités elle est incapable de travailler. En outre les renseignements fournis par les médecins constituent une base importante pour apprécier la question de savoir quelle activité peut encore être raisonnablement exigible de la part de la personne assurée.

Le médecin doit donc se pencher sur l’activité de la personne avant son atteinte à la santé ( travaux qui étaient habituellement effectués).
Il doit chiffrer l’incapacité en pourcentage. Lorsque le médecin conclut à une incapacité de travail dans des activités habituelles, il doit également se prononcer sur les activités adaptées qui demeurent possibles malgré l’atteinte à la santé ( notion de limitations fonctionnelles  au plan physique, psychique et mental : il peut s’agir de baisse de rendement, résistance au stress, etc).

Le médecin expert a une obligation de moyens, pas de résultat.
Lorsqu’un interprète est présent lors de l’expertise, le médecin doit s’adresser à l’expertisé. L’interprète doit seulement traduire mais ne doit pas interpréter.

Un médecin expert peut faire des propositions de traitements, mais ce n’est pas à lui de les prescrire.

Evaluation de la capacité de travail selon la nouvelle jurisprudence, grille d’évaluation

L’expertise médicale consiste à apprécier les capacités fonctionnelles et le diagnostic en tenant compte du contexte de l’assuré (facteurs personnels et environnementaux) et d’évaluer ensuite la situation selon les critères de la médecine d’assurance (exemple de critères de la médecine d’assurance : l’arrêt du tribunal fédéral 141 V 281, catalogue d’indicateurs).

 

Le médecin expert travaille en 2 temps :

L’expert recherche  d’éventuels facteurs critères d’exclusion 

Exemple de critères d’exclusion : douleurs intenses selon l’assuré mais vagues, plaintes peu crédibles, limitations sérieuses mais qui n’apparaissent pas dans le quotidien.

Cas particulier des signes de Waddell : longtemps considérés comme signe d’exclusion, comme signes d’anorganicité d’une lombalgie, ils sont désormais  considérés comme des signes comportementaux qui traduisent une perturbation des patients.
La présence de 2 signes de Waddell sur 5 témoigne simplement d’un certain degré d’anorganicité.

Les 5 signes de Waddell

En bleu les réponses qui attestent de la présence du signe de Waddell, d’une réponse exagérée

1 Sensibilité

2 – Simulation

3 – Test de distraction

4 – Constatations régionales

5 – Comportement

En présence de plus de 3 signes de Waddell, le médecin devrait pousser plus loin l’évaluation de l’aspect psychologique.

Evolution de la jurisprudence au fil des années

Evaluation de la capacité de travail  selon la nouvelle jurisprudence

Catalogue d’indicateurs disponibles

Ce catalogue permet de statuer sur ces 2 points :

Contenu du rapport médical

L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni l’origine du moyen de preuve, ni sa désignation comme rapport ou expertise mais bien son contenu comme l’a rappelé la jurisprudence  dans différents arrêts, dont  ATF 134 V 231, 5.1.

Pour conférer une valeur probante à un rapport médical, il faut :

Eléments qui doivent figurer dans le rapport d’expertise selon le Tribunal fédéral :

Une contradiction dans le rapport d’expertise affaiblit sa force probante.
Ne pas hésiter à utiliser le conditionnel dans le rapport pour retranscrire les informations apportées par l’assuré ( Monsieur …aurait travaillé comme livreur de telle date à telle date…).

Dans son rapport le médecin expert doit citer le contradictoire : ce que dit l’assuré et ce que lui même a observé lors de l’examen, à la lecture des pièces du dossier ( compte-rendu d’examen, courriers de confrères, etc)

En dehors du domaine des assurances sociales, lorsque le médecin expert a besoin d’informations complémentaires, il doit s’adresser au mandant.

Il faut noter dans le rapport l’heure de début et de fin d’examen consacré à l’expertise ( horaires à faire constater également part l’assuré).

Grâce au rapport médical de l’expert, le Tribunal ou tout autre mandant a tous les éléments pour fixer l’incapacité de gain de l’expertisé.

Indicateurs standards auxquels devrait répondre toute expertise selon le Tribunal fédéral 

Le Tribunal fédéral a établi dans l’arrêt 9C_492/2014 du 3 juin 2015 les indicateurs standard auxquels
toute expertise devrait satisfaire :

Consulter  ces indicateurs standards en détail  

Qui lit le rapport d’expertise ?

Le médecin expert transmet son rapport exclusivement au mandant.

Diverses personnes peuvent ensuite lire ce rapport d’expertise du médecin expert si elles en font la demande au mandant :

Expertises médicales dans différents domaines

Mandats des expertises

Les expertises destinées à évaluer la capacité/l’incapacité de travail  ainsi que la capacité de performance représentent les mandats les plus fréquents.

Dans ce cadre des experts commettent parfois l’erreur de baser leur évaluation des performances ou de l’incapacité de travail directement sur le
diagnostic au lieu de montrer quelles facultés sont perturbées du fait des diagnostics et comment ces troubles affectent l’activité et la participation.
Cela permet de comparer le profil de capacité avec les exigences du poste de travail.
Les experts doivent également montrer qu’une limitation régulière du niveau d’activité touche tous les domaines comparables de la vie (ATF 141 V 281).
La capacité de travail ne doit pas être indiquée simplement en pourcentage,  elle se compose de deux éléments : le poids de l’activité et le temps (doivent être présentés de manière différenciée).

Expertises du lien de causalité

Dans une expertise pour l’assurance-accidents et l’assurance-responsabilité civile, l’expert médical se prononce uniquement sur la causalité naturelle.
Il explique la plausibilité d’un lien entre un sinistre allégué et le dommage corporel allégué.

2 types de causalité doivent donc être examinées et réalisées pour entraîner la prise en charge de l’assurance accidents :

L’expert médical

Un expert médical en Suisse doit être titulaire d’un titre FMH ou équivalent et d’un droit de pratique.
C’est un tiers dans une procédure, indépendant, objectif et impartial, lié par le secret de fonction, dont le rôle consiste à évaluer une situation et éclairer le décideur à l’évaluation des faits.

Un expert ne se prononce pas sur des questions juridiques.

L’expert peut être récusé, il ne peut pas être le médecin traitant ou le médecin conseil du patient.
Les motifs de récusation applicables aux fonctionnaires et magistrats valent mutatis mutandis aux experts ( mutatis mutandis : en faisant les changements nécessaires)

L’expert médical doit prendre en compte les plaintes exprimées, connaître l’anamnèse, apprécier le contexte et la situation médicale et produire des conclusions motivées. Il peut demander des informations complémentaires directement à l’assuré, par exemple pour ses antécédents médicaux. Dans le cadre d’une expertise judiciaire, le médecin expert s’adresse aux juges pour obtenir ces informations complémentaires.

L’expert doit noter l’heure de début et fin de l’examen de l’assuré, et faire constater cet horaire par l’assuré.
Le contrat de l’expert est soumis aux règles du mandat.

L’expertise doit être la plus scientifique possible.

Responsabilité de l’expert

La responsabilité de l’expert est principalement :

Le principal risque est celui de non respect de la confidentialité.
Le respect de la confidentialité  repose sur

Secret professionnel et de fonction pour les médecins experts

Devoir professionnel de discrétion dans la santé : bases légales

L’expert n’a pas de secret médical à respecter vis-à-vis du mandant mais attention au respect de l’article 33 du code de déontologie:
Art 33:
les médecins conseillers au service d’assureurs privés et autres mandants (…) doivent être conscients du conflit d’intérêt qui peut exister entre la personne examinée et la personne qui donne le mandat (assureur, employeur, etc.). En transmettant des informations en leur possession, ils s’efforcent de tenir compte de manière équitable des intérêts des deux parties.

Le médecin donne des informations au mandant mais garde le secret pour tout ce qui ne concerne pas directement l’expertise.

Une procuration complétée et signée par l’assuré doit figurer dans le dossier du mandant, afin de libérer le médecin expert de l’obligation de garder le secret ( sauf pour les expertises AI pour lesquelles le médecin est d’office délié du secret).

L’obligation de secret pour un expert est encore supérieure à celle d’un magistrat.
Attention à ne consigner dans le rapport que les réponses aux questions posées par le mandant.

Qui donne le mandat d’expertise au médecin ?

Les mandants d’une expertise médicale peuvent être :

Quels sont les objectifs de l’expertise médicale ?

L’expertise a pour but :

Si l’expertise n’est pas probante, des questions complémentaires pourront être posées, ou un complément d’expertise voire une nouvelle expertise par exemple en cas d’incohérence ( si l’on constate des contradictions dans les conclusions des différents experts dans le cadre d’une expertise pluridisciplinaire).

Quels sont les tiers qui peuvent assister à l’expertise médicale ?

C’est l’expert qui décide de la présence éventuelle d’un tiers. Il n’existe aucun droit des tiers à assister à l’expertise.

Un avocat ( même s’il ne prend pas la parole), un parent, un proche, un tuteur, un médecin, un collègue, ne peuvent pas assister sauf si l’expert le souhaite.

Un interprète peut assister.

Lignes directrices pour les expertises dans diverses spécialités 

Des lignes directrices sont publiées dans diverses spécialités : ce sont des outils spécialement conçus pour aider les médecins à prendre des
décisions dans des situations spécifiques. Elles sont basées sur les connaissances scientifiques actuelles et les pratiques éprouvées.

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