- Rappel des diverses expertises
- Définition de l’incapacité de travail
- Incapacité de travail : mission du médecin expert
- Evaluation de la capacité de travail selon la nouvelle jurisprudence, grille d’évaluation
- Capacité de travail exigible : Guide pour l’évaluation de la capacité de travail exigible par suite d’accident ou de maladie
- Incapacité de travail : Lignes directrices pour l’évaluation de l’incapacité de travail par suite d’accident ou de maladie
- Incapacité ou inaptitude au travail
- Questionnaire de la Cour des assurances sociales
L’appréciation de la capacité ou incapacité de travail relève du médecin. Elle est évaluée dans l’activité habituelle exercée pour les personnes qui travaillent, ou dans l’accomplissement des travaux de la vie habituelle pour un assuré qui n’a pas d’activité professionnelle. Cette incapacité de travail s’exprime en pourcentage. Une incapacité de travail de longue durée doit également être appréciée dans le cadre d’une activité adaptée aux limitations engendrées par l’atteinte à la santé. En droit la capacité de travail résiduelle est réputée exigible.
Rappel des diverses expertises
Expertise destinée à évaluer la capacité de travail / incapacité de travail, la capacité de performance
Ce sont les mandats d’expertise les plus fréquents, très souvent demandés par l’Assurance Invalidité, AI
Expertise du lien de causalité
Dans une expertise pour l’assurance-accidents et l’assurance responsabilité civile, l’expert médical se prononce uniquement sur la causalité naturelle. Il se prononce sur la plausibilité entre le sinistre allégué et le dommage corporel allégué.
En effet l’obligation de prestation d’un assureur accidents ou responsabilité civile présuppose avant tout qu’il y ait un lien de causalité naturelle entre l’accident ou le sinistre et le dommage survenu.
Définition de l’incapacité de travail
Article 6 de la LPGA : incapacité de travail
Est réputée incapacité de travail toute perte, totale ou partielle, de l’aptitude de l’assuré à accomplir daa profession ou son domaine d’activité le travail qui peut raisonnablement être exigé de lui, si cette perte résulte d’une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique. En cas d’incapacité de travail de longue durée, l’activité qui peut être exigée de lui peut aussi relever d’une autre profession ou d’un autre domaine d’activité.
Incapacité de travail : mission du médecin expert
Un médecin expert évalue cette incapacité de travail dans l’activité professionnelle exercée par l’assuré jusqu’à son atteinte à la santé ou dans le cadre des travaux de la vie quotidienne lorsque l’assuré n’exerce pas d’activité professionnelle.
La capacité de travail ne doit pas être exprimée simplement en pourcentage : elle se compose de 2 éléments, le poids de l’activité et le temps qui sont présentés de manière séparée par l’expert.
L’expert ne base pas son évaluation de la capacité de travail sur le diagnostic mais montre quelles sont les facultés perturbées du fait du diagnostic et comment ces troubles affectent l’activité et la participation. On compare ainsi le profil de capacité avec les exigences du poste de travail.Une incapacité de travail de longue durée doit également être évaluée dans le cadre d’une activité adaptée aux restrictions engendrées par l’état de santé. Le médecin doit décrire précisément et objectivement les limitations fonctionnelles ( une diminution de rendement doit également être considérée comme limitation fonctionnelle) sur les plan physique, psychique et mental, à la fois pour l’exercice de l’activité professionnelle et l’accomplissement des travaux habituels de la vie quotidienne.
En complément de cette évaluation de l’incapacité de travail, le médecin expert doit définir l’exigibilité de l’exercice d’une activité lucrative ( activité professionnelle habituellement exercée ou accomplissement des travaux habituels de la vie quotidienne.
L’exigibilité correspond à l’effort de volonté qui peut être requis de l’assuré pour surmonter les symptômes qu’il présente.
Le médecin expert se prononce également sur les traitements et les mesures de réadaptation qui peuvent être exigées de la part de l’assuré.
Evaluation de la capacité de travail selon la nouvelle jurisprudence, grille d’évaluation
L’expertise médicale consiste à apprécier les capacités fonctionnelles et le diagnostic en tenant compte du contexte de l’assuré (facteurs personnels et environnementaux) et d’évaluer ensuite la situation selon les critères de la médecine d’assurance (exemple de critères de la médecine d’assurance : l’arrêt du tribunal fédéral 141 V 281, catalogue d’indicateurs).
A partir de 2015, le Tribunal fédéral a fondamentalement modifié sa jurisprudence sur l’évaluation de la capacité de travail en cas de troubles mentaux dans le cadre des procédures du droit des assurances sociales :
En effet avant 2015 on présumait que certaines pathologies n’étaient pas invalidantes. Dès 2015, cette présomption a été renversée. Un nouveau raisonnement est proposé, basé sur la cohérence, les ressources, etc via une grille normative et structurée. Peu à peu toutes les pathologies ont fini par être appréhendées selon cette même grille d’analyse structurée ( le diagnostic en constitue la porte d’entrée).
En effet, le 3.06. 2015, avec l’arrêt 141 V 281 le Tribunal fédéral a abandonné la présomption de surmontabilité des troubles somatoformes et des troubles psychosomatiques analogues dans un arrêt de principe et l’a remplacée par une grille d’évaluation normative et structurée, fondée sur des indicateurs standards.
Le 30.11. 2017 cette jurisprudence été étendue par l’ ATF 143 V 409 aux troubles dépressifs et par l’ ATF 143 V 418 à l’ensemble des maladies psychiques.
Puis, le 11.07. 2019, elle a été étendue aux troubles liés à la dépendance : ATF 145 V 215 .
Excellent article de synthèse sur le Bulletin des médecins suisses
Les indicateurs définis par la jurisprudence jouent ainsi le rôle important de pont entre la médecine et le droit et constituent donc une base essentielle pour la compréhension mutuelle de ces deux disciplines.
Le médecin expert travaille en 2 temps :
- Tout d’abord le diagnostic qu’il retient et pourquoi il retient ce diagnostic :
- système de classification reconnu, CIM 10/ DSM
- degré de gravité,
- limitations dans les fonctions de la vie quotidienne ( en effet les limitations fonctionnelles doivent être cohérentes dans tous les domaines de la vie)
- facteurs d’exclusion ( par exemple des douleurs décritent comme intenses mais vagues, des plaintes peu crédibles, des limitations fonctionnelles décrites comme sérieuses mais qui n’apparaissent pas dans le quotidien, des divergences entre des troubles et un comportement, ces facteurs d’exclusions conduisent parfois à une exagération des symptômes, ).
- Puis la grille d’évaluation
- balance entre les déficits fonctionnels et les ressources de l’assuré.
En effet le médecin doit évaluer concrètement les effets d’une atteinte à la santé sur les ressources de l’assuré, à la fois dans la vie quotidienne, le travail, la vie sociale.
Le médecin doit fournir une « image » précise de l’assuré dans son contexte. - Cette grille d’évaluation comporte 2volets :
- degré de gravité fonctionnelle
- Axe des atteintes à la santé
le médecin expert doit analyser les atteintes à la santé, les symptômes, l’efficacité ou non du traitement, de la réadaptation ( ces éléments donnent une idée du potentiel de l’assuré), doit rechercher s’il existe des comorbidités, des affections corporelles concomitantes.
Par exemple un trouble dépressif se manifeste aussi dans la vie de l’assuré, par exemple par des troubles du sommeil, il a donc des effets dans le quotidien de l’assuré. - Axe de la personnalité de l’assuré
est-ce que l’assuré a des ressources au plan intellectuel intrinsèque qui pourraient l’aider et constituer une ressource pour l’aider à retrouver sa capacité de travail ? - Axe du contexte social
est-ce que l’assuré a des ressources pour surmonter ses atteintes à la santé, par exemple des activités bénévoles, un entourage soutenant, etc
- Axe des atteintes à la santé
- cohérence
le médecin expert doit relever les éventuelles incohérences, par exemple si les limitations fonctionnelles sont limitées exclusivement à l’activité lucrative et non aux activités de loisirs, les limitations fonctionnelles sont-elles constantes dans la vie de l’assuré ?- à la fois la cohérence du comportement
le médecin évalue le poids effectif des souffrances et l’attitude face aux traitements : sont-ils suivis correctement ou au contraire négligés.. - et la compliance
les traitements sont-ils suivis ? quels sont leurs effets.
Par exemple un traitement à visée psychiatrique n’est-il pas pris car l’assuré ne se conforme pas à la prescription ou bien pour d’autres raisons ( sa pathologie fait qu’il ne prend pas correctement son traitement, etc)
- à la fois la cohérence du comportement
- degré de gravité fonctionnelle
- balance entre les déficits fonctionnels et les ressources de l’assuré.
Pour mémoire, 3 conditions à remplir pour qu’une invalidité soit reconnue au plan juridique
3 conditions :
- Il doit s’agir d’une atteinte de longue durée de la santé physique ou mentale
- il doit s’agir d’une incapacité totale ou partielle d’accomplir un travail compatible avec l’atteinte
- et il doit exister un lien de cause à effet entre l’atteinte à la santé et l’incapacité d’accomplir un travail compatible
Capacité de travail exigible : Guide pour l’évaluation de la capacité de travail exigible par suite d’accident ou de maladie
Incapacité de travail : Lignes directrices pour l’évaluation de l’incapacité de travail par suite d’accident ou de maladie
Incapacité ou inaptitude au travail
Incapacité ou inaptitude au travail : guide à l’attention des médecins
Questionnaire de la Cour des assurances sociales
Appréciation médicale
- Données anamnestiques
- Antécédents familiaux, antécédents personnels, antécédents médicaux, anamnèse socio-professionnelle
- Histoire de la ou les affections actuelles
- Plaintes de l’assuré
- Status ( signes clinique observés par le ou les examinateurs)
- Résultats des éventuels examens complémentaires réalisés
( notamment imagerie médicale, examens de laboratoire, tests psychométriques s’il y a leiu) - Appréciation diagnostique
- Diagnostic(s) et code(s) selon un système de classification reconnu
- Argumentation du ou des diagnostics retenus
- Diagnostic (s) différentiels pour le ou les diagnostics retenu ( s)
- Discussion des éventuels autres diagnostics résultant des pièces du dossier s’il y a lieu
- Cohérence
- Est-ce que le tableau clinique est cohérent compte tenu du ou des diagnostics retenus ou y-a t-il des atypies ?
- Est-ce que ce qui est connu de l’évolution correspond à ce qui est attendu pour le ou les diagnostics retenus ?
- Est-ce qu’il y a des discordances entre les plaintes et le comportement de l’assuré ( e) , entre les limitations alléguées et ce qui est connu des activités quotidiennes de l’assuré ( e)?
- Est-ce que l’intéressé ( e) s’est engagé ( e) ou s’engage dans les traitements qui sont raisonnablement exigibles et possiblement efficaces dans son cas ou n’a t-il ( elle) que peu ou pas de demande de soins ?
- Personnalité
- Est-ce que l’assuré(e) présente un trouble de personnalité selon les critères diagnostiques des ouvrages de référence et si oui, lequel, quel code ?
- Est-ce que l’assuré(e) présente des traits de personnalité pathologiques et si oui lesquels ?
- Le cas échéant, quelle est l’influence de ce trouble de personnalité ou de ces traits de personnalité pathologiques sur les limitations éventuelles et sur l’évolution des troubles de la personne en cause ?
- L’assuré ( e) se montre t-il ( elle) authentique ou y a-t-il des signes d’exagération des symptômes ou simulation ?
- Ressources
Quelles sont les ressources résiduelles de l’assuré sur les plans
-
- psychique
- mental
- social ?
Pour répondre à ces questions les experts peuvent se référer à :
- la classification du fonctionnement du handicap et de la santé, CIF,
(La Classification Internationale du Fonctionnement, du Handicap et de la Santé (CIF) a été élaborée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) afin de fournir un langage uniformisé et un cadre pour la description et l’organisation des informations relatives au fonctionnement et au handicap.) - et pour les troubles psychiques, à la mini-CIF-APP dans la mesure où le médecin psychiatre l’aurait à disposition.
Appréciation du point de vue de la médecine des assurances
Capacité incapacitant ou non des diagnostics retenus
- diagnostics ayant une répercussion sur la capacité de travail
- diagnostics sans répercussion sur la capacité de travail
- interactions des diagnostics : analyse complète et détaillée des interactions entre les différents diagnostics établis ayant des incidences sur les capacités fonctionnelles de l’assuré, et appréciation de ces diagnostics faite lors de l’évaluation finale du ou des experts ( s)
Limitations ( qualitatives et quantitatives) en relation avec les atteintes constatées :
- au plan physique
- au plan psychique et mental
- au plan social
Influence des atteintes sur l’activité exercée jusqu’ici :
- comment agissent ces atteintes sur l’activité exercée jusqu’ici?
- description précise de la capacité résiduelle de travail ( ressources résiduelles et limitations fonctionnelles)
- l’activité exercée jusqu’ici est-elle encore exigible ? Si oui dans quelle mesure ( heures par jour), diminution de rendement incluse ?
- depuis quand au point de vue médical, y a-t-il une incapacité de travail de 20% au moins, diminution de rendement comprise ?
- comment le degré d’incapacité de travail, y compris une éventuelle diminution de rendement, a t-il évolué depuis lors ?
D’autres activités sont-elles exigibles de la part de l’assuré ?
En d’autres termes, au cas où les atteintes présentées par l’assuré(e) engendreraient une incapacité de travail totale ou partielle dans sa profession habituelle, peut-il ( elle) exercer d’autres activités professionnelles adaptées à ses limitations fonctionnelles ?
- Si oui, à quels critères médicaux le poste de travail doit-il satisfaire, et de quoi faut-il tenir compte dans le cadre d’une autre activité ? Quelles sont les limitations fonctionnelles ?
- Dans quelle mesure l’activité adaptée à l’invalidité peut-elle être exercée ( par exemple heures par jour, pourcentage), diminution de rendement comprise ? Depuis quand ?
- Quelle a été l’évolution de la capacité de travail de l’assuré ( e) dans une activité adaptée ?
- Si plus aucune activité n’est possible, quelles en sont les raisons ?
Mesures thérapeutiques
- Description des traitements mis en oeuvre, de leur déroulement et de leur résultat.
- Ces traitements étaient-ils adéquats au regard de la situation donnée ?
- En cas d’échecs de traitements adéquats, quelle (s) en serait ( ent) la ou les cause(s)
- Propositions thérapeutiques ? Sont-elles exigibles ?
Appréciation du déroulement des mesures de réadaptation professionnelle au regard des atteintes diagnostiquées ?
Des mesures; notamment thérapeutiques ou de réadaptation professionnelle, sont-elles susceptibles d’améliorer la capacité de travail ( ou le rendement) dans l’activité exercée jusqu’à présent ou dans l’activité adaptée, cas échéant; lesquelles ? Si non, pour quelles raisons ?
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- La douleur l’analyser, l’évaluer
- Lombalgie : évaluer la douleur et le retentissement de l’incapacité fonctionnelle
Sites internet conseillés :
- Incapacité de travail et certificat médical
- B.O.B.I, Barème officiel belge des invalidités
- International Classification of Functioning, Disability and Health (ICF)
- Journée annuelle de la SIM : Evolution de la jurisprudence, avant et après 2015
- Bulletin des médecins suisses : à propos de l’arrêt de l’Arrêt du tribunal fédéral, ATF 141 V 281 de 2015
- Site de la SIM : expertises médicales
- Les expertises médicales en Suisse
- Liste des experts certifiés par la SIM, Swiss Insurance Medicine
- Les Offices AI ( Assurance invalidité) en Suisse
- OCAS, Office cantonal des assurances sociales
- Site orientation.ch qui décrit toutes les professions